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Qu'est-ce qu'un traumatisme ?


"Le traumatisme n'est pas ce qui nous est arrivé, mais ce que nous avons retenu à l'intérieur en l'absence d'un témoin emphatique"

Peter A. Levine






Dans la citation mentionnée ci-dessus, Peter Levine relève le défi de résumer le traumatisme en une phrase. Ce docteur en biophysique et en psychologie nous dit notamment que ce n'est pas l'événement lui-même qui est la cause d'un traumatisme, mais ce qui a été retenu dans le corps lors de cet événement.


Mais quel est ce "retenu" dont il parle et comment est-il arrivé à cette définition du traumatisme après l'avoir étudié et traité durant 40 ans ?


Les travaux de Peter Levine débutent avec les années septante. À l'époque, le jeune diplômé de l'université de Californie pose son regard sur le système de réponse à la menace des mammifères sauvages et s'intéresse particulièrement à leur comportement d'effondrement. Un animal en danger semble jouer à "faire le mort" lorsque sa vie est entre les dents d'un prédateur. En réalité, il s'agit d'un comportement résultant d'une réponse ultime du système nerveux autonome à la mort imminente que les neuroscientifiques nomment état nerveux de figement. C'est un état naturel très utile dans la vie sauvage pour notamment ne pas sentir l'insupportable douleur de la lente agonie du dépeçage.


Peter Levine est impressionné par la capacité d'une proie à sortir de cet état de figement dès que son prédateur s'éloigne, permettant à l'animal de revenir à la vie et de rapidement retourner vaquer à ses occupations normales. Le scientifique estime que cette compétence naturelle évite à l'animal des séquelles traumatiques de l'événement.



À la même époque, le jeune docteur en psychologie accompagne des personnes traumatisées. Il fait l'hypothèse que les mammifères évolués que sont ses patients, sont restés bloqués dans un état nerveux de figement. Il considère que leur compétence animale, de clôturer le cycle de réponse à la menace, s'est altéré par le contexte de l'événement menaçant et par un mental d'Humain qui, décuplant les peurs, fige ce processus ancestral. Peter Levine le mesure et s'en convainc, c'est le figement du cycle nerveux de réponse à la menace qui explique les symptômes somatiques et psychiques de ses patients.


Le traumatisme est une réponse chronique de l'organisme face à un danger... qui n'existe plus !


Après de longs travaux sur les mémoires traumatiques, Peter Levine consolidera son hypothèse, affinera ses théories et mettra au point une méthode thérapeutique destinée à favoriser la sortie de l'état nerveux de figement, la Somatic Experiencing®.


Le traumatisme est donc un piège façonné par le système nerveux lui-même, un conditionnement somatique qui, au départ d'ordinaires perceptions de l'environnement, déclenche une réponse nerveuse qui ne serait nécessaire qu'en cas de réel danger. Cette tension somatique chronique appelée stress post-traumatique réduit les comportements et les pensées au regard d'un illusoire danger latent.


À terme, ces tensions nerveuses peuvent avoir des conséquences sur d'autres systèmes somatiques, comme le système immunitaire et d'autres organes.


Le stress post-traumatique peut survenir après une grande variété d'événements. Il peut s'agir d'événements ponctuels comme un accident, une agression, une catastrophe, un abus, mais aussi de situations prolongées de stress comme une guerre, une famine ou plus ordinairement un travail quotidiennement stressant. Malheureusement fréquentes, les conditions de vie inadaptées aux besoins d'un enfant (parents défaillants ou abusifs, etc) ont de puissants potentiels traumatiques compte tenu de la fragilité du système nerveux en cours de développement de l'enfant. Aussi, les témoins directs, les personnes qui recueillent régulièrement des témoignages effroyables ou les personnes qui visionnent régulièrement des scènes photographiques ou filmées atroces peuvent également être concernées.


Soulignons que Peter Levine et les scientifiques qui étudient le traumatisme nous apportent plutôt de bonnes nouvelles. Car si un événement ou une situation passée est par nature immuables, le figement nerveux qui sous-tend le traumatisme est quant à lui, et sous certaines conditions, parfaitement modulable.


Aujourd'hui, le traumatisme n'est plus, comme il a été, un mystère et une condamnation à perpétuité. Au-delà d'une histoire, de l'analyse d'une psyché ou de comportements, les thérapeutes informés savent que la clé de sa rémission se trouve dans le corps et son potentiel de guérison, ces oubliés de notre vingtième siècle.


Une thérapie du traumatisme devra donc nécessairement intégrer une prise en compte des mécanismes nerveux de la personne et négocier en douceur des alternatives à ceux-ci. Il s'agit d'un travail de négociation avec le système nerveux dans l'intention de lui rendre la liberté d'atteindre d'autres états que le figement.


Pour conclure, revenons à la citation de Peter Levine. Il termine et souligne sa courte définition du traumatisme par ces mots : "...en l'absence d'un témoin emphatique". Des mots qui nous révèlent combien le contexte relationnel et émotionnel joue un rôle clé, à la fois dans la survenue, mais aussi dans la guérison d'un traumatisme. Mais cela sera (peut-être) le sujet d'un prochain post :-)


Sylvain Piraux

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